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Le journal d'Isa-B

Textes et poésies. Vie intérieure et observations.

LES PAPILLONS

Après quelques profondes respirations, de celles qui libèrent la poitrine et qui donnent la force de faire ce qui a été mûrement réfléchi, elle a lentement ouvert la bouche. Aussi largement qu'elle le pouvait. Courageuse et calme, elle a gardé la pause longuement. Au début, il ne s'est rien passé. Pas un bruit, pas un mouvement. Puis, lentement, comme le magicien ouvre sa main pour faire apparaître une pièce qui n'y était pas, un papillon a déployé ses ailes hors de la petite grotte humide et grande ouverte. Il a avancé ses minuscules pattes au bord des lèvres. Il s'est envolé, comme il l'aurait fait d'une fleur. Il est parti.

Bientôt, deux, trois, dix papillons en sont sortis. C'est ensuite par centaines que rendus à leur liberté, ils se sont envolés. Comme un vol de chauve-souris quittant le refuge, il sont sortis par sa bouche dans un désordre plein de hâte et d'enthousiasme. Elles sentaient leurs ailes battre dans sa gorge et contre ses joues, vivement, mais sans douleur. Elle ne bougeait ni les lèvres ni la langue par peur de les abimer. Elle voulait par dessus tout ne pas leur faire de mal. Elle leur redonnait leur liberté. Elle souhaitait qu'ils repartent aussi beaux qu'ils étaient venus, aussi vivants qu'ils lui étaient apparus, en cette fin d'automne. C'était il y a un peu plus d'un an.

A cette époque, en les voyant si beaux, elle avait tendu pour les attraper le filet du souvenir. Mi-ange, mi-démon elle avait aussi tendu celui de l'amitié et du désir. Les papillons étaient venus, colorés et lumineux comme la vie, porteur de douceur et d'énergie vital. Ils étaient l'eau, elle avait soif. Elle bût à cette source de vie et les papillons étaient entrés en elle. Voilà plus d'une année maintenant qu'elle les tenait enfermés dans sa prison de chair, entre ses barreaux d'os.

Ils étaient généreux ces papillons, ils lui donnaient beaucoup. En battant des ailes ils lui caressaient la peau de l'intérieur. Butinant la face cachée de son épiderme, ils lui donnaient des frissons. Les papillons la remplissaient, l'allégeaient. Elle était en expansion. Elle leur parlait, partageait avec eux son quotidien. Le soir, au creux de son bas ventre, au fond de son sexe, ils déployaient leurs grandes ailes aux couleur de feu. Elle aurait voulu les retenir là toute sa vie.

Elle les écoutait murmurer leur histoire. Ils avaient grandit dans un pays ensoleillé. Un pays entre mer et désert, qu'ils avaient du quitter et dont ils gardaient la nostalgie. L'histoire des hommes les avaient contraints à traverser la mer, pour s'adapter à "un ailleurs". Et comme si ce premier exil avait scellé leur destinée, ils n'avaient cessé, depuis, de voyager. Ils avaient traversé les océans et visité les cinq continents. Toujours en transit, en décalage horaires, ils avaient papillonné autour des hommes et des femmes, prenant du plaisir à butiner, à découvrir, à rencontrer.

Ils restaient pour autant attachés à leur terre. Les papillons avaient ce qu'elle n'avait pas: des ailes, mais aussi des racines. Ils pouvaient partir, pour mieux revenir. Elle, était là, posée en équilibre instable au milieu de nulle part, ne pouvant se mouvoir. Elle ne pouvait être ni leur ciel, ni leur terre. Les papillons avaient fait escale en elle avec bonté. Elle comprit qu'il faudrait un jour leur redonner leur liberté.

C'était ce jour, que de sa bouche largement ouverte s'échappaient les milles et un papillons.

Quand le dernier fût parti, il fit à nouveau sombre dans sa prison de chair et d'os. Au fond de son sexe, rien que des cendres froides.

Mais dans les cendres se cachaient le pollen et les larmes que les papillons, en cadeau, avaient déposé.
Alors un jour les cendres fleuriraient.

 

 

 

 

 

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